Démembrement des parts de société et distribution de dividendes : les clés pour optimiser votre stratégie
Distribution de dividendes par prélèvement sur les réserves et quasi-usufruit : la dette de restitution est-elle déductible au décès de l’usufruitier ? (loi de finances pour 2024, article 774 bis du CGI, BOI ENR DMTG n°270 en date du 26 septembre 2024)
Rappelons que le démembrement des parts de sociétés, notamment patrimoniales est un outil de transmission particulièrement pertinent.
Quasi-usufruit et droit de restitution. La question qui nous intéresse ici a trait aux distributions de dividendes par prélèvement sur les réserves : dans ce cas, le droit dont bénéficie l’usufruitier s’exerce, sauf convention contraire, sous la forme d’un quasi-usufruit, sur le produit de cette distribution(1) . L’usufruitier est tenu d’une dette de restitution exigible à son décès, venant minorer d’autant l’actif de succession. Un tel schéma présente ainsi deux séries de conséquences favorables :
Le droit de quasi-usufruit confère à l’usufruitier des parts de la société des pouvoirs très étendus sur les dividendes versés, le nu-propriétaire ne détenant qu’un droit de créance à son endroit, exigible seulement à son décès.
Au décès de l’usufruitier des parts, la créance de restitution vient en principe en déduction de l’actif de la succession, en diminuant l’assiette, et par voie de conséquence le montant des droits de succession.
Nouveauté introduite par la loi de finances pour 2024. Cependant, la loi de finances pour 2024 a semé le trouble dans les esprits en prévoyant que la créance exigible par le nu-propriétaire au titre de la restitution d'une somme d'argent dont le défunt s'était réservé l'usufruit n'était pas déductible de l'actif successoral taxable (article 774 bis du CGI). Quel est le champ d’application de ce nouveau dispositif, la situation visée ici est-elle concernée ?
L’administration a précisé dernièrement (BOI ENR DMTG n°270) les cas où la dette de restitution restait déductible de la succession du quasi-usufruitier, notamment lorsque « la somme d’argent dont le défunt s’était réservé l’usufruit constitue le produit d’une cession ou d’une opération assimilable dont le défunt n’a pas été à l’initiative ». L’administration poursuit en indiquant que « tel est en principe le cas si la dette de restitution portant sur une somme d’argent au décès de l’usufruitier résulte du versement à son profit […] de la distribution de dividendes prélevés sur les réserves ».
Il semble ainsi que les distributions de dividendes par prélèvement sur les réserves pour lesquelles la constitution d'un quasi-usufruit entre les titulaires de titres démembrés trouve à s’appliquer devraient sortir du domaine d'application du dispositif (2). Plusieurs arguments militent en ce sens, notamment : la distribution dont il est question n’est pas assimilable à une cession, le démembrement des droits sociaux dont la propriété est démembrée ne disparaissant pas à la suite de la distribution de dividendes. Il n’existe pas de réserve d’usufruit portant directement sur les dividendes versés. En outre, le quasi-usufruit dont il est question est d’origine légale, ne résultant pas d'une option exercée par l'usufruitier et le nu-propriétaire.
Vigilance ! Une réserve s’impose cependant : si le défunt, usufruitier des parts, n’a pas été à l’initiative du quasi-usufruit, il peut être à l’initiative de la distribution de dividendes par l’exercice du droit de vote qui peut lui être dévolu. L’expression « en principe » laisse à l’administration une marge de manœuvre permettant d’intégrer dans le champ d’application du dispositif prévu à l’article 774 bis du CGI les réserves dont la distribution serait décidée par l’usufruitier seul. Si tel était le cas, la créance de restitution dont nous avons parlé ne serait plus déductible de l’actif de succession de l’usufruiter des parts. Dans un tel contexte, il importe à l’usufruitier et à ses conseils de rassembler les « indices »(3) qui permettront de justifier la déductibilité de la créance de restitution : l’administration(4) retient notamment trois critères, en insistant dans le cas présent sur les deux premiers :
Le temps écoulé entre la constitution de la société, les affectations du résultat en réserves, leurs distributions
Les motivations patrimoniales de la distribution, les besoins financiers de l’usufruitier des parts par exemple,
Le degré de latitude de l’usufruitier dans le choix du quasi-usufruit, ce critère n’ayant pas réellement de portée dans la situation visée.
La doctrine administrative du 26 septembre dernier a fait l’objet de nombreux commentaires : nous sommes à votre disposition pour évoquer ce sujet qui peut être lourd de conséquences.
(1) S’agissant d’un bien consomptible, il se traduit par un quasi-usufruit légal.
(2) Voir l’arrêt de la Cour de cassation du 19 septembre dernier, Cass. 3e civ. 19-9-2024 n° 22-18.687 : BRDA 19/24 inf. 1
(3) L’administration fait référence à la notion de faisceau d’indices
(4) BOI ENR DMTG n°250