Flash Spécial – 5 août 2024
Philippe Lesueur
Directeur Cholet Dupont
Asset Management
Après la forte hausse enregistrée depuis l’automne 2023, les bourses mondiales sont devenues plus hésitantes au cours du printemps. Ces hésitations ont cependant été en partie masquées par la bonne tenue du marché américain tiré par les performances exceptionnelles d’un petit nombre de très grosses entreprises et par des éléments spécifiques qui ont pesé sur certains marchés, tel les élections européennes ou la dissolution de l’Assemblée nationale en France. Depuis la mi-juillet, l’inquiétude semble prendre le dessus, le marché américain perdant près de -6% en deux semaines et le marché japonais cédant brutalement -12,4% le 5 août, ce qui porte sa baisse à près de -24% depuis la mi-juillet.
Le monde n’a pas radicalement changé en deux semaines mais la perception qu’en ont les marchés financiers semble avoir basculée.
Le contexte géopolitique reste très incertain (Ukraine, Moyen-Orient, élections américaines, tensions commerciales) et les signes d’un ralentissement économique se multiplient. Ceci n’est pas surprenant puisque, après une période de fort soutien budgétaire et monétaire ayant contribué à un redémarrage de l’inflation, une phase de resserrement monétaire dont l’objectif était justement de ralentir l’économie a été initiée dans la plupart des grandes économies mondiales en 2022. Encore une fois, l’inertie de l’économie réelle déjoue l’impatience des marchés financiers.
- Dans un premier temps, en particulier aux Etats-Unis, ce ralentissement attendu s’est fait attendre et les marchés financiers sont vite redevenus optimistes. D’autant plus que la masse de capitaux injectés dans les économies mondiales au cours des années précédentes reste bien présente et cherche des opportunités. Parallèlement, le problème des dettes accumulées en face de ces injections n’a pas semblé trop préoccupant. Enfin, la hausse des taux américains face à des taux japonais restés très faibles a créé une opportunité de « carry trade » (emprunter à des taux faibles pour réinvestir à des taux plus élevés en se couvrant du risque de change) et a aussi relancé l’attrait du marché japonais (la baisse du yen étant considérée comme favorable à l’économie japonaise). Cet afflux de capitaux a, par à-coups successifs, permis à la bourse japonaise de retrouver au printemps 2024 ses plus hauts de 1989… Mais a aussi inquiété les autorités japonaises sur un risque de dérapage inflationniste. Elles ont ainsi remonté leurs taux fin juillet, ce qui a fait repartir le yen à la hausse et pris à contre-pied de nombreuses positions spéculatives. Ceci a servi de déclencheur au mouvement brutal de vente du marché japonais.
- Dans un second temps, les indicateurs économiques et les publications récentes des entreprises montrent clairement que le ralentissement est en train de s’affirmer, environ deux ans après le resserrement de politique monétaire. L’anticipation d’un prochain assouplissement monétaire, en particulier aux Etats-Unis, ne garantit pas que cela suffira à éviter une récession. D’une part, l’inertie de l’économie marche dans les deux sens. D’autre part, la marge de manœuvre des banques centrales semble contrainte. En effet, l’inflation sous-jacente reste bien présente (goulots d’étranglement dans les filières de production, politiques plus protectionnistes) et les dettes accumulées sont déjà considérables. Le spectre d’une récession américaine a ainsi réapparu depuis la mi-juillet, déclenchant un début de correction du marché américain. Les marchés européens, de leur côté, plafonnaient déjà depuis le printemps.
Sans préjuger de la suite, il paraît essentiel de rester factuels : le ralentissement est en cours et il va encore s’accentuer avant que l’horizon ne s’éclaircisse. Ceci invite à adopter une politique de gestion prudente :
- Éviter les positions trop spéculatives ;
- Contrôler l’exposition à des investissements plus sensibles aux variations conjoncturelles ;
- Privilégier des investissements plus défensifs.
Surtout, ne pas céder à la tentation d’un pari, que ce soit celui d’un effondrement sous le coup de la panique ou celui d’un redémarrage rapide sous le coup d’un excès de confiance. Le rebond de +10,2% du marché japonais le 6 août montre les dangers qui guettent pour ces derniers et qui prennent des décisions trop hâtives. Les prochains mois seront probablement volatils. Il s’agit d’être en mesure de supporter cette volatilité, pas de parier que l’on saura l’éviter.
Philippe LESUEUR
Directeur Cholet Dupont Asset Management
Gérant de la gamme Expertise
Cette page a été publiée le 06/08/2024