Le risque de déception sur la croissance ou sur les taux d’intérêt reste assez important

Juin 2024

Le recul des indices actions en avril aura été finalement assez court et de faible ampleur. Le mois de mai a été plus favorable aux marchés et leur a permis de combler leurs pertes et pour certains d’afficher de nouveaux sommets. Le principal catalyseur de ces évolutions aura été la publication de chiffres d’inflation en léger recul aux Etats-Unis et en modeste reprise en zone euro. Cela a ranimé le scénario d’atterrissage en douceur de l’économie américaine et augmenté la probabilité de voir la FED baisser ses taux cette année. Inversement, si la BCE a baissé ses taux comme attendu, sa Présidente a refusé de commenter ses orientations futures eu égard au récent rebond de l’inflation. Le contexte économique et monétaire nous semble plus incertain que les marchés financiers ne le pensent. Mais leur résilience alimente des flux acheteurs sur les actifs risqués. Les niveaux de valorisation traduisent une certaine complaisance des investisseurs vis-à-vis de cet environnement et le risque de déception sur la croissance, l’inflation ou les taux d’intérêt semble assez important. Le comportement des marchés continue à s’inscrire dans le schéma de consolidation que nous avions évoqué le mois dernier. Une correction des Bourses de 7 à 10% d’ici à la fin de l’automne prochain nous parait toujours une hypothèse très probable. Nous excluons toujours une correction plus forte des indices à très court terme. Mais nous restons très attentifs aux discours de la FED et à celui de la BCE qui pourraient se conclure par une période de taux d’intérêt plus élevés plus longtemps, peu propice aux marchés financiers à cause des craintes de récession qu’elle entrainerait. Dans tous les cas, l’assouplissement des politiques monétaires au second semestre devrait permettre aux indices de rebondir en fin d’année mais leur potentiel d’appréciation à cette échéance parait quasi nul. La correction des marchés en avril/mai n’a pas été suffisante pour nous permettre de relever globalement l’exposition en actions. Nous maintenons en conséquence une position d’attente assez prudente. Nous continuons cependant de renforcer le poids des actions dans les portefeuilles peu investis chaque fois que des opportunités se présentent. Nous maintenons une opinion Neutre à court et moyen terme sur les actions.

Dernière minute : les conséquences du coup de poker d’Emmanuel Macron.

La dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron ouvre une période d’incertitude pour les marchés financiers français. Au niveau européen, les résultats des élections sont conformes aux prévisions avec une poussée des partis nationalistes et un maintien de la majorité de centre droit actuelle. Le message que les électeurs ont adressé (plus de croissance, moins d’écologie, moins de dépenses administratives, moins d’immigration) sera ardemment relayé par les nouveaux députés et devra être en partie intégré par l’exécutif européen. En France, le risque d’être confronté à une motion de censure a poussé le Président à dissoudre l’assemblée. Il espère sans doute préserver une majorité renouvelée et plus large grâce à un pacte républicain. L’histoire récente nous montre que ce stratagème est de moins en moins efficace et que la probabilité de voir le Rassemblement National obtenir une majorité relative ou absolue est importante. Il devrait alors assumer une cohabitation ou se démettre. Pour les marchés, la question importante reste le programme économique du parti nationaliste, aux idées de gauche et populiste. Heureusement, l’abandon de l’Euro n’y figure plus. Cela amènerait immanquablement le RN à pratiquer une politique euro-compatible comme tous les partis nationalistes européens ont dû s’y résigner. Au-delà des incertitudes qui pèseront jusqu’au 7 juillet prochain, la baisse des marchés français accélèrera peut-être la légère correction que nous craignions, créant l’opportunité d’achat que nous attendions.

La baisse des indices actions qui avait débuté en avril aura été finalement assez courte et de faible ampleur. Le mois de mai a été plus favorable aux marchés et leur a permis de combler leurs pertes et pour certains d’afficher de nouveaux sommets. La principale raison de ce rebond tient à la publication de chiffres d’inflation en léger recul aux Etats-Unis mais aussi aux très bons résultats de Nvidia, le principal bénéficiaire du développement de l’Intelligence Artificielle. Les taux d’intérêt à long terme américains se sont repliés de 0.2% mais ils sont remontés de 0.1% en Europe du fait d’un sursaut modeste mais inattendu de l’inflation.

Si l’indice action Monde a progressé de 2.7% en euros, entrainé par une hausse de 4.8% et 6.9% en dollar des indices américains S&P500 et Nasdaq Composite, les autres places ont eu des comportements moins spectaculaires. Ainsi, les principaux indices européens composés de grandes valeurs ont connu des progressions de l’ordre de 2%, contrariées par la remontée de l’inflation. Ces indices continuent d’évoluer dans un couloir horizontal de consolidation. Toutefois, la proximité de la 1ère baisse des taux de la BCE, intervenue début juin, a aidé les indices des valeurs petites et moyennes à mieux performer, alimentant une hausse de l’indice Stoxx 600 Europe de 2.6% avec un nouveau plus haut à la mi-mai. Enfin, les indices des pays émergents et du Japon ont stagné ou baissé.

Les évolutions des taux d’intérêt ont eu des effets différents aux Etats-Unis et en Europe. La baisse de l’inflation a ranimé le scénario d’atterrissage en douceur de l’économie et augmenté la probabilité de voir la FED baisser ses taux au moins une fois cette année. Une fois encore, les grandes valeurs technologiques et de services de Communication en ont profité pour établir le meilleur score (+10% et +6.5%). Les valeurs de services publics ont également continué leur rattrapage (+8.5%). En Europe, les performances sectorielles se sont alignées sur les tendances américaines mais elles ont été un peu plus homogènes.

Malgré un rebond des activités de services en mai, les statistiques américaines publiées montrent toujours une modération progressive de l’activité depuis le début de l’année, illustrée par la révision en baisse du PIB du 1er trimestre (+1.3%) et une activité industrielle proche de la stagnation. La consommation des ménages a retrouvé ses niveaux de croissance habituels. Enfin, le secteur immobilier s’est à peine stabilisé à un niveau relativement bas. Les créations d’emplois font encore preuve d’une grande vigueur mais cet indicateur, tout comme le chômage, est considéré comme un indicateur retardé par rapport à l’activité. Ce contexte est propice aux anticipations de baisse des taux de la FED. Mais, à ce jour, celle-ci reste encore très réservée sur son assouplissement monétaire, eu égard à la persistance de l’inflation.

En Europe, l’activité a repris quelques couleurs depuis 2 mois selon les indices des directeurs d’achat mais elle s’établit à un niveau bas, autour de 1%. Souhaitons que le récent rebond de l’inflation soit temporaire sinon la baisse des taux de la BCE serait de courte durée, comme sa Présidente l’a laissé comprendre à demi-mot, refusant de parler des orientations futures.

Le contexte économique et monétaire nous semble donc plus incertain que les marchés financiers ne le pensent. Mais la résistance à la baisse de ceux-ci au mois d’avril et même la poursuite de la hausse pour certains d’entre eux au mois de mai alimentent des flux acheteurs sur les actifs risqués (actions et Crédit). Les niveaux de valorisation, sans être stratosphériques, traduisent une certaine complaisance des investisseurs vis-à-vis de cet environnement et le risque de déception sur la croissance, sur l’inflation ou sur les taux d’intérêt semble assez important.

Par ailleurs, il est inutile de rappeler que le contexte géopolitique international ne s’est pas spécialement apaisé.

A l’inverse, les dernières publications de résultats du 1er trimestre ont contribué à créer un climat favorable, les données à fin mai étant meilleures qu’à fin avril. Globalement, les surprises positives ont été plus nombreuses et un peu plus fortes en Europe et, aux Etats-Unis, la croissance des résultats sur un an a été un peu supérieure. Les analystes financiers ont d’ailleurs relevé leurs estimations de résultats pour 2024 et 2025 des deux côtés de l’Atlantique, renforçant la tendance haussière de celles-ci. En dépit de ce facteur positif, la progression des indices s’est traduite par une nouvelle hausse des multiples de valorisation (PER 2024 de 21.7 pour le S&P500 et 14.3 pour le Stoxx 600 Europe). Si les valorisations européennes restent en dessous de la moyenne historique, mais elles sont 20% au-dessus aux Etats-Unis. De plus, le retour de la prime de risque des actions américaines au plus bas laisse peu de place à une déception sur les taux ou sur les prochains résultats.

Pour l’instant, le comportement des marchés continue à s’inscrire dans le schéma de consolidation que nous avions évoqué le mois dernier avec un risque de baisse compris entre 7 à 10% d’ici à la fin de l’automne prochain. La reprise technique a été plus forte que nous ne le pensions, mais en dehors des Etats-Unis, les gains supplémentaires des indices par rapport à leurs précédents sommets ont été faibles.

Nous excluons toujours une correction plus forte des indices à très court terme. Mais nous restons très attentifs aux discours de la FED (« trop tôt pour baisser les taux ») et à celui de la BCE (« une baisse de taux, oui, plusieurs, on verra… »). S’ils perduraient, ils pourraient se traduire par une période de taux d’intérêt « plus élevés plus longtemps ». Cette incertitude n’avait pas été très propice aux marchés financiers l’année dernière par les craintes de récession qu’elle avait entrainée.

Nous avons relevé de 2% nos prévisions sur les indices actions Eurostoxx50 et S&P500 pour décembre 2024 et abaissé celle sur le Nikkei du même ordre. Une correction des Bourses nous parait toujours une hypothèse très probable. Mais l’assouplissement des politiques monétaires au second semestre devrait leur permettre de rebondir en fin d’année. Le potentiel des indices à cette échéance parait quasi nul. Une amélioration des perspectives économiques et des conditions financières devrait cependant nous amener à être plus optimiste pour 2025.

La correction des marchés en mai n’a pas été suffisante pour nous permettre de relever globalement l’exposition en actions. Nous maintenons en conséquence une position d’attente assez prudente. Nous continuons cependant de renforcer le poids des actions dans les portefeuilles peu investis chaque fois que des opportunités se présentent.

Nous maintenons une opinion Neutre à court et moyen terme sur les actions. Nous laissons notre recommandation à court terme sur les actions américaines et européennes à Neutre, mais avec une très légère préférence pour ces dernières à très court terme car elles disposent d’un petit potentiel de rattrapage. Nous gardons notre surpondération américaine à moyen terme.

Nous conservons notre opinion Neutre à court et moyen terme sur les produits obligataires avec une légère préférence pour le Crédit européen à moyen terme.

Lors de notre Comité d’Allocation d’Actifs de fin mai, nous avons réduit l’exposition en action, en abaissant le poids des Etats-Unis et des pays émergents. Nous avons en revanche augmenté l’Europe. Parallèlement, nous avons augmenté le poids des produits de taux et celui des sicav monétaires

Vincent GUENZI
Directeur de la Stratégie d’Investissement
Achevé de rédiger le 10 juin 2024 en collaboration avec Dorian FOULON


Cette page a été publiée le 10/06/2024