Nous restons de l’avis que Donald Trump fera preuve de pragmatisme dans l’application de son programme électoral. Mais les marchés financiers ont manqué de réalisme à son égard en rebondissant depuis le jour de son investiture, et ce, au vu des premiers décrets que le Président avait signés. Comme ils ne comportaient pas de relèvement des droits de douane, les marchés ont crû trop rapidement à un report de ceux-ci. Toutes les valeurs, tous les indices qui avaient été pénalisés par les anticipations de guerre commerciale, ont rattrapé tout ou partie de leur retard. Mais la réalité s’avère un peu différente. Pour obtenir satisfaction dans leurs diverses revendications, les Autorités américaines ne vont pas faiblir dans les épreuves de force qu’ils ont choisies. Comme nous l’attendions, ils vont souffler le chaud et le froid ce qui engendrera de la volatilité sur les marchés. Nous le constatons depuis quelques jours. Les autres facteurs d’incertitude que nous avions signalés (l’inflation, les taux d’intérêt, les perspectives de croissance) sont toujours présents. En conséquence, les marchés devraient plutôt rester attentistes, observant les péripéties géopolitiques en cours avant de prendre une allure plus soutenue. En effet, le véritable enseignement du mois de janvier pour les marchés européens est probablement que leurs niveaux étaient trop bas, compte tenu d’un pessimisme excessif. Il serait souhaitable que ceux-ci évoluent quelques temps entre les points bas de décembre et les points hauts de janvier, ce qui fait une amplitude de 10%. Quant aux marchés américains, c’est l’émergence d’un concurrent chinois de ChatGPT, logiciel d’intelligence artificielle, qui a fait reprendre conscience aux investisseurs que, parfois, les situations de monopole ne s’éternisaient pas. Retour au principe de réalité pour les valeurs technologiques américaines…Tout ceci ne nous amène pas à modifier grandement nos recommandations. Nous restons plutôt confiants sur la poursuite d’une tendance modérément haussière des indices actions ou des produits de taux à moyen terme. A plus court terme, après la remontée des indices depuis le début de l’année, nous pourrions connaitre une période plus hésitante pendant quelques semaines, assez volatile, avec un risque de correction mesurée et temporaire. Il vaut mieux être opportunistes et profiter des replis qui se présentent en cas de retour des craintes pour renforcer les portefeuilles en commençant par les moins investis.
Les indices boursiers mondiaux ont affiché de bonnes performances exprimées en euros en janvier, menés par les marchés européens qui rebondissent fortement (+7% en moyenne), sensiblement plus que les Bourses américaines (+3%) ou émergentes (+1.5%).
Cette surperformance tient à plusieurs facteurs.
En premier lieu, les investisseurs ont continué à espérer une attitude relativement conciliante de Donald Trump à l’égard de ses partenaires internationaux. Ensuite, les actions européennes, fortement décotées pour cette raison, ont poursuivi leur rebond initié en décembre d’autant qu’elles pouvaient compter sur le soutien à venir de la BCE. Enfin, les premiers résultats trimestriels publiés mi-janvier, en particulier dans le secteur du luxe, ont rassuré les investisseurs et la tendance haussière de nombreuses grandes valeurs s’est confirmée ultérieurement.
Par ailleurs, l’investiture de Donald Trump le 20 janvier et ses premières mesures ont été appréciées pour trois raisons : L’absence de relèvement immédiat des droits de douane, la volonté de faire reculer l’inflation par une relance de la production pétrolière susceptible de faire baisser le prix du baril et enfin l’accent mis sur les mesures de déréglementation et de baisse de la fiscalité.
L’optimisme retrouvé des investisseurs se prolongea une semaine avant un dur retour à la réalité.
Aux États-Unis, les inquiétudes liées à l’émergence d’un concurrent chinois de ChatGPT, nommé Deepseek, ont remis en question le modèle économique des grandes entreprises américaines dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA), faisant plonger les cours de ces valeurs et l’indice Nasdaq de 4%. Cependant, cela n’a pas durablement remis en cause la tendance globale des indices américains alimentée par des arbitrages et une rotation sectorielle. Cette inquiétude pour le secteur technologique est exacerbée par les valorisations élevées qui avaient été atteintes mais elle pourrait ne pas durer. En effet, la manière dont le logiciel chinois a été conçu aussi rapidement et à un coût extrêmement faible est entouré d’un certain mystère. En cas de pratique douteuse ou anticoncurrentielle, nul doute que les Autorités américaines essaieront d’y mettre fin. Inversement, si ce concurrent a réellement innové, cela pourrait permettre de réduire les coûts d’investissement dans l’IA pour de nombreuses entreprises technologiques qui utilisent ces modèles en tant que service (Apple, Meta, Amazon…).
En résumé, il est possible que cet évènement freine un peu les ardeurs excessives des investisseurs dans ce secteur, ce qui serait finalement plutôt favorable, sans entrainer à ce stade un repli général des actions américaines dont un bon nombre peut assurer une alternative dans le contexte politique et économique actuel.
Quelques jours plus tard, le 31 janvier, l’annonce de l’application au 1er février de droits de douane relevés de 25% pour les importations en provenance du Canada, du Mexique et de 10% pour celles de Chine a déclenché une deuxième alerte pour les investisseurs, pris à contrepied. Heureusement, le Canada et le Mexique ont très rapidement proposé d’engager des discussions sur les exigences américaines (lutte contre le trafic d’importation d’une drogue, le Fentanyl et contrôle de l’immigration illégale. En réponse, l’application des droits de douane a été suspendue de 30 jours. La Chine, de son côté s’est déclaré prête à des discussions mais a également porté plainte auprès de l’OMC et a menacé les Etats-Unis de représailles économiques. Pour l’Europe, toujours épargnée, Donald Trump a également annoncé que son tour viendrait… Tout ceci a évidemment assombri l’ambiance boursière en Europe même si les indices ont réussi à se reprendre grâce aux bons résultats d’entreprises moins concernées par le risque de guerre commerciale.
Quelle conclusion peut-on tirer de tous ces évènements ?
Premièrement, il est indéniable que la volatilité va perdurer sur les marchés, compte tenu de la politique américaine. Sur le plan intérieur, ce sont les craintes pour la croissance ou sur une reprise de l’inflation qui pourraient ressurgir. Sur le plan extérieur, les pressions commerciales vont continuer car elles sont un levier de négociation pour obtenir gain de cause. Par ailleurs, les déclarations récentes de Donald Trump ou de son entourage sont la preuve d’un retour de l’interventionnisme américain. Panama et le Groenland peuvent dormir tranquilles s’ils sont prêts à des concessions. Mais il faut s’attendre à de nombreuses tensions en tout genre, sans parler de la résolution du conflit en Ukraine qui ne sera pas une mince affaire.
Ensuite, la valorisation des actions finit par avoir son importance. Face à la cherté des actions américaines, un retour vers les actions européennes a été observé. Non seulement, elles ont progressé davantage mais elles ont souvent bien résisté aux phases de recul des indices américains. Pour nous, cela tendrait à montrer que la valorisation des actions européennes a touché son point bas en fin d’année dernière, en intégrant beaucoup de mauvaises nouvelles et une bonne dose de pessimisme. Certains indices ont même réussi à établir de nouveaux records permettant d’espérer la poursuite d’une tendance haussière. Cela étant, la situation économique de notre zone n’est pas florissante et les estimations de résultats des actions européennes sont révisées constamment en baisse depuis 6 mois. Au-delà du rebond lié aux publications de résultats moins mauvais ou meilleurs qu’attendus et de la réduction de la sous-évaluation des actions européennes, il est difficile de voir un grand potentiel de hausse des indices à court terme. Cette période peut être propice à des oscillations des cours relativement importantes. Mais si les points bas de décembre constituent une bonne résistance à la baisse, des replis dans cette direction offriraient sans doute de bonnes opportunités d’achat. Quant aux actions américaines, le leadership des grandes valeurs technologiques pourrait être remis en cause quelque temps au profit des valeurs financières, industrielles ou de la santé.
En résumé, nous maintenons notre scénario de base positif pour l’année 2025 (croissance plus modérée, légère désinflation, politique américaine pragmatique, baisse des taux plus importante en Europe, rebond en Allemagne et en Europe, voire en Chine).
Le contexte actuel ne nous amène pas à modifier grandement nos recommandations. Nous restons plutôt confiants sur la poursuite d’une tendance modérément haussière à moyen terme des indices actions ou des produits de taux.
A plus court terme, après la remontée des indices depuis le début de l’année, nous pourrions connaitre une période plus hésitante pendant quelques semaines, assez volatile, avec un risque de correction mesurée et temporaire. Au-delà, si des catalyseurs plus positifs se mettent en place, la hausse des indices européens et américains devrait reprendre. Il vaut mieux être opportunistes et profiter des replis qui se présentent en cas de retour des craintes pour renforcer les portefeuilles en commençant par les moins investis.
En termes de zones géographiques, nous préférons attendre de meilleures opportunités pour augmenter le poids des actions américaines dans les portefeuilles. Il nous semble judicieux de continuer à renforcer le poids des actions européennes sur les portefeuilles sous-investis. La diversification des portefeuilles doit être maintenue pour améliorer le couple rendement /risque.
Nous avons relevé nos prévisions sur les indices européens pour juin et décembre 2025 et les avons abaissées pour l’indice japonais. Compte tenu de leur hausse de janvier, le potentiel des indices à ces échéances s’est bien amenuisé.
Nous maintenons une opinion Neutre sur les actions à court et moyen terme. Nous ramenons à Neutre à court terme les actions aux Etats-Unis et conservons notre surpondération à moyen terme. Nous restons neutres sur l’Europe en étant sélectifs.
Sur les produits de taux, nous gardons une vue Neutre à court et moyen terme. Nous surpondérons à court terme les obligations européennes privées à haut rendement et à moyen terme toutes les obligations européennes privées.
Lors de notre dernier comité d’allocation d’actifs fin janvier, nous avons légèrement relevé le poids des actions en Europe et dans les pays émergents en le réduisant aux Etats-Unis. Nous gardons une allocation assez neutre, avec une pondération en actions proche de 50%. Nous avons allégé le poids des liquidités au profit des emprunts US et des fonds de multi-stratégie obligataires.