Après un excellent mois, les marchés redeviennent hésitants

Les marchés actions ont poursuivi leur progression sur le mois malgré des risques et des doutes toujours présents grâce à plusieurs facteurs favorables. L’activité mondiale s’est quelque peu redressée, la FED a abaissé ses taux et surtout les résultats des entreprises au 3ème trimestre ont dépassé les attentes. Ils montrent pour le moment une forte résilience des entreprises américaines alors qu’en Europe la croissance des profits reste modeste. Enfin, le développement effréné des infrastructures nécessaires à la diffusion de l’Intelligence Artificielle a encore dopé les actions en particulier technologiques. Pourtant quelques adversités sont apparues. Les États-Unis sont entrés en shutdown début octobre, faute d’accord sur le budget, mettant des centaines de milliers de fonctionnaires fédéraux en congé sans solde. L’impact sur les marchés est resté limité pour le moment, les investisseurs restant confiants quant à la conclusion inévitable d’un accord et jugeant que l’impact récessif éventuel du shutdown favoriserait de futures baisses de taux de la Fed. L’inflation de septembre, légèrement en dessous des attentes, avait renforcé ces anticipations d’assouplissement monétaire, avant que Jerome Powell ne tempère les attentes sur de nouvelles baisses lors de la réunion du FOMC de fin octobre. Par ailleurs, les tensions commerciales sino-américaines se sont ravivées après l’annonce par la Chine de restrictions sur les exportations de terres rares suivies de menaces de riposte américaine. Elles se sont finalement apaisées au cours du mois et à la suite de la tournée de Donald Trump en Asie, qui a débouché sur de nombreux accords, y compris avec la Chine. Enfin en France, le Premier ministre Sébastien Lecornu a été reconduit après sa démission, son gouvernement évitant la censure des députés grâce à des concessions sur les retraites et le non-recours au 49.3. Le projet de budget, visant un déficit inférieur à 5 % du PIB, a rassuré les marchés et soutenu le rebond du CAC 40, également aidé par des publications de résultats rassurantes dans l’ensemble. Malgré cette accalmie politique, les alourdissements de la fiscalité adoptés par les députés dans le nouveau budget sont préoccupants et, associés à l’instabilité politique, ils ne facilitent pas les décisions d’investissement. Après la hausse de ce mois, les valorisations boursières des indices américains sont très proches de leurs plus hauts historiques. Dans ce contexte, les perspectives des marchés actions sont de plus en plus incertaines à court terme, même si les tendances récentes confirment un biais favorable à moyen terme qu’il convient de mettre à profit lors des phases de doute. Il paraît judicieux d’accompagner la dynamique haussière actuelle, tout en évitant d’y entrer précipitamment par crainte de manquer le mouvement. La consolidation récente pourrait se prolonger à court terme, eu égard à la faible volatilité de ces derniers mois et à l’absence de catalyseurs majeurs attendus. Il semble préférable d’attendre un petit repli supplémentaire avant d’envisager un renforcement des positions en actions dans les portefeuilles. Néanmoins, quelques achats peuvent commencer à être réalisés sur les portefeuilles les moins investis. Nous avons relevé nos prévisions sur les indices pour intégrer les évolutions récentes. Compte tenu de leurs niveaux actuels, le potentiel de hausse des indices est faible d’ici fin décembre et il reste d’environ 5 % à juin 2026. Nous avons une opinion Neutre à court terme et Surpondérer à moyen terme, sur les actions américaines, européennes et asiatiques. Les perspectives des actions françaises semblent toujours fragiles, en particulier celles dont l’activité est la plus domestique. Sur les produits de taux, nous gardons une note Neutre à court et moyen terme. Le crédit européen reste Surpondérer à moyen terme ainsi qu’à court terme pour les obligations à haut rendement.

Les marchés actions mondiaux, exprimés en euro, ont poursuivi leur envolée, avec de nouveaux records franchis au cours du mois d’octobre. Les Bourses émergentes ont à nouveau enregistré les meilleures progressions (+6.0 %), suivi par Wall Street (+4.1 % en euros), toujours portée par le thème de l’intelligence artificielle. En dollar, les indices américains ont progressé de 2.3 %. Les marchés européens ont continué de sous-performer (+2.4 % en moyenne). Sur les marchés obligataires, une détente des taux assez limitée est intervenue dans de nombreux pays développés à l’exception du Japon.

Après une modération en septembre, l’activité mondiale a accéléré son expansion en octobre. Aux États-Unis, les données d’activité sont restées solides, mais la visibilité s’est réduite en raison du shutdown, qui a retardé la publication de plusieurs indicateurs, notamment ceux du marché du travail qui sont particulièrement importants pour les investisseurs et la Fed. En Europe, le rythme d’activité a continué d’accélérer mais la situation reste fragile. En France, la croissance a surpris positivement au troisième trimestre (+0,5 %), permettant d’espérer atteindre l’objectif fixé dans la loi de finances. En revanche, en Allemagne, les mesures de relance tardent à produire leurs effets. Le PIB est resté stable au troisième trimestre, demeurant au même niveau qu’à la fin de 2019. Dans le reste du Monde, l’activité chinoise s’est modérée, tout comme en Inde et au Japon. Enfin, au Brésil, la contraction de l’activité s’est atténuée.

Aux Etats-Unis, l’indice des prix à la consommation (CPI) pour le mois de septembre, publié en fin de semaine après un report lié au shutdown, a également soutenu l’optimisme des marchés. L’inflation annuelle est ressortie en légère hausse à 3,0 %, pour l’inflation globale et hors alimentation et énergie, mais les chiffres ont été légèrement en dessous des 3,1 % anticipés, donnant plus de confiance quant aux futures baisses de taux de la Fed. Cette confiance a cependant été ébranlée après la réunion de la Fed à la fin du mois. Certes, la Réserve fédérale américaine a, sans surprise, réduit à nouveau ses taux d’intérêt de 0.25% le 30 octobre dernier. Mais, lors de sa conférence de presse, Jerome Powell a annoncé qu’une nouvelle baisse des taux en décembre était « loin » d’être acquise. Ce ton plus prudent a mis un frein à l’élan des marchés américains, alors que ceux-ci avaient enregistré une forte progression dans les jours précédant la réunion. La Banque centrale a par ailleurs acté la fin de la réduction progressive de son bilan alors que les marchés de financement de court terme ont montré de premiers signes de tensions ces dernières semaines.

En zone euro, la BCE a maintenu sa posture attentiste. Elle a laissé ses taux inchangés lors de sa réunion d’octobre, maintenant le taux de dépôt à 2 %. Christine Lagarde a mis en avant la réduction des risques baissiers sur la croissance, soutenue par une amélioration du contexte géopolitique et commercial. L’inflation, à 2,2 % sur un an, se rapproche désormais de la cible, mais la BCE anticipe un passage sous les 2 % l’année prochaine, en raison de la modération salariale et de la vigueur de l’euro.

Les risques politiques n’émeuvent guère les marchés. Les États-Unis sont entrés en shutdown le 1er octobre, faute d’accord au Congrès sur le budget fédéral. A ce stade, il n’y a toujours pas de visibilité sur une potentielle sortie de crise. Parmi les principaux points de crispation figure la question de l’assurance santé, notamment la prolongation des subventions de « l’ Obamacare » destinées aux ménages à faibles revenus. Les démocrates en ont fait une condition indispensable à toute sortie de crise, maintenant ainsi la paralysie administrative. Cette paralysie n’a pourtant eu que peu d’effet sur les marchés sur le mois, bien que son impact sur le PIB soit estimé entre -0,1 % et -0,2 % par semaine de shutdown. Cette réaction s’explique premièrement par le fait que les investisseurs considèrent ce « choc » comme un facteur renforçant la probabilité et l’ampleur des futures baisses de taux de la Fed. Deuxièmement, les investisseurs intègrent que le Congrès finit toujours par trouver un accord, et que les marchés rebondissent ensuite.

En France, les rebondissements politiques se sont poursuivis sur le mois. Le premier ministre, Sébastien Lecornu a démissionné moins de 24 heures après avoir annoncé son gouvernement. Emmanuel Macron, qui avait dans un premier temps accepté sa démission, lui a demandé dans un second temps de rester à la tête du gouvernement pour mener des « négociations finales » afin d’élaborer un « socle d’action » capable de sortir de la crise et d’éviter une dissolution de l’Assemblée. C’est ainsi que le gouvernement « Lecornu II » est parvenu à survivre à ses deux premières motions de censure. Cela a toutefois été obtenu au prix d’une remise en question de la réforme des retraites ainsi que l’abandon du recours au 49.3, une concession notable faite au Parti socialiste pour préserver la stabilité gouvernementale. Le nouveau gouvernement a présenté un budget axé sur la discipline budgétaire, visant à maintenir le déficit public sous le seuil de 5 % du PIB. Cette orientation prudente a rassuré les marchés financiers, éloignant pour l’instant la perspective d’une dissolution ou d’un nouveau scrutin législatif. Les agences de notation ont continué de dégrader la dette de la France, notamment Moody’s pour la dernière, qui a certes maintenu la note souveraine du pays mais qui a abaissé sa perspective de « stable » à « négative ». Plus récemment, l’adoption par les députés de plusieurs amendements alourdissant sensiblement la fiscalité des entreprises et des ménages, contre l’avis du Gouvernement, a ramené de la fébrilité au sein des entreprises et des investisseurs français. La version définitive du budget les conservera-t-elle et sera-t-elle votée ? Personne ne connait encore la réponse.

Les évolutions du contexte géopolitique sont mitigées. Au milieu du mois d’octobre de nouvelles tensions commerciales ont émergé entre la Chine et les États-Unis, à la suite de l’annonce de Pékin concernant le renforcement des contrôles à l’exportation sur les produits contenant des terres rares. Parallèlement, la Chine a imposé de nouvelles taxes portuaires sur les navires américains, accentuant la pression bilatérale. En réaction, Donald Trump avait menacé d’appliquer de nouveaux droits de douane de 100 % sur les produits chinois. Toutefois, après une semaine marquée par cette incertitude, le président a reconnu que l’imposition de tels tarifs n’était pas « viable ». La rencontre entre Donald Trump et Xi Jinping, jeudi 30 octobre a permis d’atténuer les tensions mais elle s’est révélée moins constructive qu’espéré. Les Etats-Unis ont accepté de baisser de 10% leurs droits de douane, les ramenant à 47 %. La Chine a elle décidé de repousser d’un an les restrictions sur les exportations de terres rares, une mesure reconductible qui ne constitue pas une levée mais seulement un report, maintenant ainsi la pression et l’incertitude. De plus, aucun accord n’a été trouvé concernant les exportations de puces Blackwell de Nvidia vers la Chine, alors que les investisseurs s’attendaient à un accord sur ce point. Malgré ces légères déceptions, ce compromis a permis d’apaiser les tensions commerciales. Par ailleurs, les États-Unis ont conclu plusieurs partenariats majeurs lors de la tournée asiatique de Donald Trump. En Malaisie, un pacte a été signé sur les minéraux stratégiques et l’accès privilégié aux marchés américains. Avec plusieurs pays d’Asie du Sud-Est, des accords-cadres ont été établis afin de réduire ou supprimer certains droits de douane, favorisant ainsi les échanges commerciaux. Un accord d’envergure a également été conclu avec la Corée du Sud, avec parmi les nombreux axes, une coopération renforcée dans l’automobile et l’énergie en contrepartie d’investissements industriels massifs aux États-Unis. Parallèlement, un autre accord cadre a été signé avec le Japon concernant les terres rares et autres minerais critiques, dans un contexte de tensions liées aux restrictions chinoises. Enfin, Washington a appuyé la signature d’un accord de paix entre la Thaïlande et le Cambodge, marquant une avancée diplomatique notable dans la région.

Les chances d’un arrêt du conflit en Ukraine diminuent. La Russie ne manifeste toujours aucune volonté d’apaisement et poursuit ses bombardements. Cette situation irrite le Président américain qui a annulé une rencontre avec Poutine. Son revirement en faveur de l’Ukraine reste fragile et les livraisons de missiles américains à longue portée restent incertaines. Par ailleurs, les survols de drones, dont l’origine reste incertaine, augmentent partout en Europe. Enfin le recours à la menace nucléaire s’intensifie dans les discours de la Russie et dans le développement de nouvelles armes.

Dans un environnement général toujours incertain, les publications de résultats du troisième trimestre 2025 des entreprises américaines ont continué à offrir un appui notable aux marchés. Actuellement, près de 65 % des entreprises du S&P 500 ont déjà rendu leurs résultats. Parmi elles, 83 % ont battu les attentes en termes de bénéfice par action, tandis que 79 % ont enregistré des chiffres d’affaires supérieurs aux estimations. Ce niveau de surprises positives est supérieur aux moyennes historiques sur 5 ans et sur 10 ans. Ces chiffres témoignent d’une solidité opérationnelle générale dans un contexte de coûts de financement élevés, de pressions inflationnistes et de tensions géopolitiques. Ainsi, globalement, la saison des résultats du T3 2025 illustre une résilience marquée des entreprises cotées, renforçant la confiance des investisseurs quant à la capacité du secteur privé à naviguer dans un environnement incertain.
En Europe le constat est plus mitigé. Les résultats ont été rassurants mais loin des records de Wall Street. En agrégé, la croissance des bénéfices reste modérée en Europe, alors qu’elle s’accélère nettement aux États-Unis (+11 % sur un an contre +1 % en Europe au T3).

Le doute principal des investisseurs reste celui de la cherté des actions américaines et du risque de repli en cas de déception sur les entreprises ou sur l’économie. 
Les valorisations boursières restent très proches de leurs plus hauts historiques, ce qui renforce l’idée de prudence face au risque de déceptions sur les résultats. Cependant, si certains indicateurs, comme le price earnings ratio, apparaissent élevés, d’autres mesures intégrant la croissance attendue des bénéfices sur plusieurs années offrent une lecture plus nuancée. En effet, la croissance anticipée des profits liés à l’IA demeure exceptionnellement forte, ce qui peut justifier des niveaux de valorisation élevés. Par comparaison, au début des années 2000, les valorisations étaient supérieures, malgré une croissance des bénéfices moins importante. Il convient donc de relativiser le niveau actuel des marchés actions, ceux-ci ne traduisant pas encore, à ce stade, une exubérance irrationnelle au regard des anticipations de bénéfices. Attention tout de même à ce que les bénéfices réalisés soient cohérents avec ces attentes, car des valorisations et des anticipations exigeantes laissent peu de marge à la déception. En résumé, il faut plutôt s’attendre à une pause salutaire ou à un petit repli des indices qu’à l’éclatement d’une bulle spéculative qui n’est peut-être pas encore suffisamment gonflée.

Par ailleurs la faillite du groupe First Brands, spécialisé dans les pièces automobiles, a illustré la vulnérabilité de certains secteurs industriels américains. La défaillance de cet industriel a ravivé les inquiétudes concernant l’exposition au crédit de certains établissements bancaires et fonds de crédit privés. L’événement a rapidement été relégué au second plan, mais il convient de garder à l’esprit que ce risque pourrait ressurgir à tout moment, d’autant que les taux de la dette privée sont très bas en absolu, ce qui montre que les marchés n’anticipent que peu ce risque.

Dans ce contexte, les perspectives des marchés actions demeurent incertaines à court terme, même si les tendances récentes confirment un biais favorable à moyen terme qu’il convient de mettre à profit lors des phases de doute. Il paraît judicieux d’accompagner la dynamique haussière actuelle, tout en évitant d’y entrer précipitamment par crainte de manquer le mouvement.

La consolidation récente pourrait se prolonger à court terme, compte tenu de la faible volatilité observée ces derniers mois et de l’absence de catalyseurs majeurs attendus. Il semble préférable d’attendre un petit repli supplémentaire avant d’envisager un renforcement des positions en actions dans les portefeuilles. Néanmoins, quelques achats peuvent commencer à être réalisés sur les portefeuilles les moins investis.

Nos prévisions sur les indices ont été relevées à nouveau pour intégrer les évolutions récentes. Compte tenu de leurs niveaux actuels, le potentiel de hausse des indices est très faible d’ici fin décembre et il reste d’environ 5 % à juin 2026.

Nous avons une opinion Neutre à court terme et Surpondérer à moyen terme, sur les actions américaines, européennes et asiatiques. Les perspectives des actions françaises semblent toujours fragiles, en particulier celles dont l’activité est la plus domestique.

Sur les produits de taux, nous gardons une note Neutre à court et moyen terme. Le crédit européen reste Surpondérer à moyen terme ainsi qu’à court terme pour les obligations à haut rendement.

Lors de notre dernier comité d’allocation d’actifs fin octobre, nous avons très légèrement baissé la pondération des actions (Europe et Etats-Unis) de 49.6 % à 49.3 %. En parallèle, nous avons augmenté l’exposition aux produits de taux et réduit celle des liquidités et sicav monétaires.

Vincent GUENZI
Directeur de la Stratégie d’Investissement
Dorian FOULON
Gérant de portefeuille
 
Achevé de rédiger le 7 novembre 2025


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Cette page a été publiée le 07/11/2025